Quartier-général de la Flotte de la Baltique à Kaliningrad | Crédits photo -- krasnayazvezda.com
Les reliques de l’Union soviétique s’amenuisent. De cette époque, que les Européens de l’Ouest aiment à romancer, il ne nous reste guère plus que quelques vieux James Bond et autres films historiques qui défilent en boucle sur Arte. La crise économique semble s’être pernicieusement substituée aux thématiques politiques et avoir réussi à éclipser les réflexions des théoriciens du marxisme-léninisme.
Pourtant, si l’URSS s’est retirée de la scène internationale en 1991, elle a su déléguer une partie de son héritage à la Russie, sa descendante directe. Cette dernière a reçu en legs l’ancien siège de membre permanent à l’ONU, une dette astronomique et, surtout, un territoire actuellement au cœur de l’Union européenne : l’oblast de Kaliningrad.
Pourtant, si l’URSS s’est retirée de la scène internationale en 1991, elle a su déléguer une partie de son héritage à la Russie, sa descendante directe. Cette dernière a reçu en legs l’ancien siège de membre permanent à l’ONU, une dette astronomique et, surtout, un territoire actuellement au cœur de l’Union européenne : l’oblast de Kaliningrad.
Un territoire russe aux origines européennes
Crédits carte -- inkaliningrad.com
L’espace Schengen présente de nombreux avantages. Le premier réside dans le fait de ne pas avoir à présenter son passeport, on ne sait combien de fois, pour voyager dans l’un des 28 États membres de l’Union européenne. Certains curieux, profitant de la situation, aiment à se lancer dans la découverte de la Baltique. Passant allégrement les frontières de l’Estonie, la Lettonie, puis la Lituanie, ils peuvent se retrouver déconcertés face à la demande d’un soldat russe, à moins de 650 km de la capitale berlinoise, de bien vouloir présenter passeport et visa pour rentrer sur le sol national russe !
Rassurez-vous, le Balzam, alcool fort qu’on trouve dans les pays baltes, n’est pas assez puissant pour les avoir fait revenir avant la chute du communisme. Ces Européens en vadrouille viennent juste d’arriver au niveau de l’Oblast de Kaliningrad, territoire russe d’approximativement 937 000 habitants, perdu dans l’Union européenne.
Pas plus tard qu’en juillet 2005, ce petit territoire fêtait ses 750 ans d’existence, 700 ans d’histoire allemande et 50 ans d’histoire « russe ». Le Président Poutine, déjà en poste à l’époque, avait invité, en marge des célébrations, le président Chirac et le chancelier Schröder pour une réunion sur le programme nucléaire iranien. Ces images, étonnantes avec du recul, témoignaient de la proximité entre les dirigeants d’Europe de l’Ouest et ceux de Russie. Une époque où l’intégration des nouveaux membres n’avait pas encore eu les effets dévastateurs qu’on leur connaît sur les relations euro-russes.
Kaliningrad incarnait, contrairement à aujourd’hui, la possible extension de la coopération entre les deux puissances. L’éventuelle libre circulation des citoyens des deux entités semblait en négociation, la coopération euro-russe grandissait dans un monde en plein changement. L’image même de la statue d’Emmanuel Kant, le philosophe allemand, entourée par la population russe de l’Oblast, d’où est originaire l’ancienne femme de Poutine, témoignait de la proximité et des aspirations communes des gouvernements. Des possibilités qui nous semblent bien lointaines, oubliées sur le bord de la mer Baltique, mises à mal par l’élargissement européen de 2004 et le souhait de rejet, prégnant, de la Russie par les nouveaux membres.
Rassurez-vous, le Balzam, alcool fort qu’on trouve dans les pays baltes, n’est pas assez puissant pour les avoir fait revenir avant la chute du communisme. Ces Européens en vadrouille viennent juste d’arriver au niveau de l’Oblast de Kaliningrad, territoire russe d’approximativement 937 000 habitants, perdu dans l’Union européenne.
Pas plus tard qu’en juillet 2005, ce petit territoire fêtait ses 750 ans d’existence, 700 ans d’histoire allemande et 50 ans d’histoire « russe ». Le Président Poutine, déjà en poste à l’époque, avait invité, en marge des célébrations, le président Chirac et le chancelier Schröder pour une réunion sur le programme nucléaire iranien. Ces images, étonnantes avec du recul, témoignaient de la proximité entre les dirigeants d’Europe de l’Ouest et ceux de Russie. Une époque où l’intégration des nouveaux membres n’avait pas encore eu les effets dévastateurs qu’on leur connaît sur les relations euro-russes.
Kaliningrad incarnait, contrairement à aujourd’hui, la possible extension de la coopération entre les deux puissances. L’éventuelle libre circulation des citoyens des deux entités semblait en négociation, la coopération euro-russe grandissait dans un monde en plein changement. L’image même de la statue d’Emmanuel Kant, le philosophe allemand, entourée par la population russe de l’Oblast, d’où est originaire l’ancienne femme de Poutine, témoignait de la proximité et des aspirations communes des gouvernements. Des possibilités qui nous semblent bien lointaines, oubliées sur le bord de la mer Baltique, mises à mal par l’élargissement européen de 2004 et le souhait de rejet, prégnant, de la Russie par les nouveaux membres.
La position stratégique d’une Russie abandonnée
La Russie, en bons termes affichés avec l’Allemagne et la France, s’est vite retrouvée confrontée aux problématiques de l’élargissement. Désormais, la Pologne affiche clairement son sentiment antirusse, dénonçant sans cesse les pratiques de Moscou à l’époque communiste. La Lettonie et la Lituanie ne semblent pas non plus apprécier la voisine russe, trop présente dans la vie politique et culturelle. Quant à l’Estonie, elle n’hésite clairement plus, depuis qu’elle est devenue membre de l’Union européenne et de l’OTAN, à rejeter ouvertement le passé communiste, à limiter la pratique du russe sur le sol national et à participer activement au rapprochement des anciens satellites avec l’Europe. La Russie est loin d’approuver la vision estonienne de l’Histoire qui compare, dans les musées nationaux, « l’Occupation soviétique » avec celle vécue sous le nazisme…
Kaliningrad, un temps symbole de la coopération, se transforme progressivement en avant-poste de la résistance russe face à une Europe avide d’intégration des anciens satellites sous son influence. D’autant plus que la Russie, qui jouait la carte de l’entente dès le début des années 2000, a changé rapidement son fusil d’épaule. Le retour du pays sur la scène internationale devient une priorité. La nécessité d’affirmer l’identité russe, comme peuvent en témoigner les discours et films de l’époque, se fait sentir. L’Oblast devient alors un moyen de garder une présence russe en Baltique, un poste stratégique pour y installer des missiles proches des capitales européennes et, surtout, pour surveiller les nouveaux membres de l’OTAN et empêcher l’implantation du bouclier anti-missiles américain. L’ancienne ville fortifiée prend progressivement des airs de bastion militaire.
Cette situation n’est pas sans poser de nombreux problèmes : les familles qui vivent à Kaliningrad, coupées de la mère patrie, à défaut de prendre l’avion, doivent traverser l’Europe. Le choix d’appartenir à la Russie est pesant dans un pays si petit, presque coupé du monde et cependant si proche de pays dynamiques sur le plan économique. Il est devenu difficile pour cet État de la fédération russe de s’affirmer. Un rapprochement avec l’Union est impossible, Moscou garde à l’œil ceux qui abordent cette option comme une solution. Abandonner l’Oblast reviendrait à sacrifier une pièce maîtresse dans son jeu. Le Kremlin tient à garder sous contrôle ces quelques reliques soviétiques, l’Oblast subit le même sort que la Transnistrie, l’Abkhazie ou encore l’Ossétie du Sud.
Il est évident que le bastion russe a un coût militaire, notamment en termes de subventions et de relations diplomatiques, mais il en est de même pour l’Europe. Celle-ci doit faire face à une entité étrangère potentiellement hostile, du moins armée, sur son territoire. Cela inclut des aménagements pour lutter contre les divers trafics au niveau des frontières et de pouvoir répondre rapidement à une montée des tensions militaires afin de parer à toute éventualité. L’aménagement militaire n’est pas anodin, sans oublier qu’il engendre des tensions avec l’OTAN et divise les États européens sur la question russe.
Le plus inquiétant n’en reste pas moins la radicalisation des positions. L’heure n’est plus au rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN, pour la Russie. Une position contraignante pour les habitants de Kaliningrad qui, loin du reste de la Russie, assistent à la remilitarisation de l’enclave et s’isolent progressivement dans une ambiance digne de la Guerre froide
Kaliningrad, un temps symbole de la coopération, se transforme progressivement en avant-poste de la résistance russe face à une Europe avide d’intégration des anciens satellites sous son influence. D’autant plus que la Russie, qui jouait la carte de l’entente dès le début des années 2000, a changé rapidement son fusil d’épaule. Le retour du pays sur la scène internationale devient une priorité. La nécessité d’affirmer l’identité russe, comme peuvent en témoigner les discours et films de l’époque, se fait sentir. L’Oblast devient alors un moyen de garder une présence russe en Baltique, un poste stratégique pour y installer des missiles proches des capitales européennes et, surtout, pour surveiller les nouveaux membres de l’OTAN et empêcher l’implantation du bouclier anti-missiles américain. L’ancienne ville fortifiée prend progressivement des airs de bastion militaire.
Cette situation n’est pas sans poser de nombreux problèmes : les familles qui vivent à Kaliningrad, coupées de la mère patrie, à défaut de prendre l’avion, doivent traverser l’Europe. Le choix d’appartenir à la Russie est pesant dans un pays si petit, presque coupé du monde et cependant si proche de pays dynamiques sur le plan économique. Il est devenu difficile pour cet État de la fédération russe de s’affirmer. Un rapprochement avec l’Union est impossible, Moscou garde à l’œil ceux qui abordent cette option comme une solution. Abandonner l’Oblast reviendrait à sacrifier une pièce maîtresse dans son jeu. Le Kremlin tient à garder sous contrôle ces quelques reliques soviétiques, l’Oblast subit le même sort que la Transnistrie, l’Abkhazie ou encore l’Ossétie du Sud.
Il est évident que le bastion russe a un coût militaire, notamment en termes de subventions et de relations diplomatiques, mais il en est de même pour l’Europe. Celle-ci doit faire face à une entité étrangère potentiellement hostile, du moins armée, sur son territoire. Cela inclut des aménagements pour lutter contre les divers trafics au niveau des frontières et de pouvoir répondre rapidement à une montée des tensions militaires afin de parer à toute éventualité. L’aménagement militaire n’est pas anodin, sans oublier qu’il engendre des tensions avec l’OTAN et divise les États européens sur la question russe.
Le plus inquiétant n’en reste pas moins la radicalisation des positions. L’heure n’est plus au rapprochement avec l’Union européenne et l’OTAN, pour la Russie. Une position contraignante pour les habitants de Kaliningrad qui, loin du reste de la Russie, assistent à la remilitarisation de l’enclave et s’isolent progressivement dans une ambiance digne de la Guerre froide